« La Loire est le plus long fleuve de France. Elle prend sa source au Mont Gerbier de Jonc ». Des générations d’écoliers ont retenu ces phrases de leurs leçons de géographie. Pour moi qui vis un peu plus de 1 000 km plus loin, à l’embouchure du fleuve, ce mont situé dans le nord de l’Ardèche est depuis toujours nimbé d’un certain mystère. Plus maintenant !
En effet, des vacances en Ardèche, en septembre dernier, ont été l’occasion de pousser jusqu’au fameux mont, et tant pis si c’était au prix d’un changement radical de climat : après une semaine ensoleillé dans le sud du département, avec des températures quotidiennes autour de 35° ou plus, ce voyage de même pas 100 km jusqu’au nord de l’Ardèche nous fit passer à 11° avec brouillard et pluies interminables. Et tout cela pour découvrir que « la » source de la Loire n’existe pas…

Eh oui, arrivés au pied du fameux Mont Gerbier de Jonc, si reconnaissable de loin, plusieurs panneaux vous indiquent non pas « la » source de la Loire, mais trois sources différentes ! Comme tout touriste qui se respecte, vous allez donc rendre visite à
- la source véritable,
- la source géographique,
- la source authentique,
le tout dans un rayon de quelques centaines de mètres.
La « géographique » est la plus folklorique des trois. Capté dans un abreuvoir en pierre à l’intérieur de l’ancienne étable de la ferme dite de la Loire, un filet d’eau est déclaré « première coulée du fleuve ». C’est ce que pouvaient déjà voir les premiers excursionnistes, au début du 20e siècle.
L’ « authentique » se fait très discrète. Captée par le Touring Club de France en 1936, elle est censée couler dans un pavage circulaire puis passer sous la route. Le premier jour de notre passage, pas le moindre filet d’eau ; on nous dit que les travaux du parking auraient eu des conséquences fâcheuses pour la source. Mais voilà que grâce aux fortes précipitations, la source (miraculeuse?) finit par se mettre à couler ! J’avoue toutefois que rien ne permet savoir si c’est l’eau de pluie ou l’eau de Loire qui ruisselle sur les pavés…
Et bien sûr il ne faut pas rater la « véritable ». Comme c’est fièrement proclamé sur la pancarte, cette source est inscrite au cadastre. C’est à partir de là qu’est mesurée la longueur de la Loire, ce qui confère un caractère plus « officiel » à cette source qui à mon avis tient la corde entre les trois.


Rien ne vous empêche d’opter pour la source qui vous plaît le plus. En tout cas, le Mont Gerbier de Jonc est une vraie éponge : son abondante nappe phréatique donne naissance à d’innombrables petites sources. Tous ces minuscules cours d’eau se joignent à un moment ou un autre pour former la Loire. Parmi eux le premier affluent de la Loire qui a un nom, l’Aygue-Nègre. Mais à ce stade précoce, comment déterminer qui est cours d’eau principal et qui est affluent ? J’habite peut-être sur l’estuaire de l’Aygue-Nègre… ?
Comme pour corser encore un peu le jeu, on se trouve ici dans une zone de partage des eaux. A quelques centaines de mètres près, la Loire aurait pris cap vers le sud ! Le Mont Gerbier de Jonc et son voisin haut de 1 753 mètres, le Mézenc, forment en effet une barrière géographique naturelle délimitant la ligne de partage des eaux entre la Méditerranée et l’Atlantique. On l’a échappé belle !

Après le jeu des sources, on peut s’amuser à deviner si tel petit ruisseau qui coule dans un pré est déjà la Loire ou juste un cours d’eau anonyme. Dans un joli sous-bois, nous avons traqué un ruisseau dont on nous a certifié que « c’est le bon, c’est la Loire ». J’avoue que ce fut un moment assez émouvant de me tenir devant ce bébé fleuve qui babillait autour des pierres, se faufilait entre fougères et racines d’arbres, et de l’imaginer se gonfler, prendre de la largeur, de la majesté, devenant petit à petit ce fleuve royal que je connais ailleurs. J’étais très heureuse de voir l’origine du grand fleuve qui fait partie de ma vie ici, à Saint-Nazaire. Et puis nous avons jeté deux petits bâtons dans la Loire pour qu’ils fassent le long voyage jusqu’à l’estuaire. Selon les sources (sans jeu de mot !), la longueur de la Loire est de 1 006, 1 012 ou 1 020 kilomètres… en tout cas, plus de mille. J’espère qu’ils en ont bien profité !


J’aimerais bien un jour retourner dans cette région montagneuse et âpre, en espérant toutefois une météo plus clémente. Or il suffit de voir l’architecture traditionnelle des fermes pour comprendre que le climat doit souvent être rude : sous leur couverture de lauzes ou de chaume, les bâtiments en grosses pierres qui laissent deviner l’épaisseur des murs, offrent peu d’ouvertures et semblent faire le dos rond devant le vent, le froid, la pluie, peut-être aussi la grosse chaleur estivale.






Beaucoup de gris sur les photos malheureusement… mais l’automne peut aussi être magnifique dans ce nord de l’Ardèche. Une excursion au Ray Pic, un site naturel classé où une cascade jaillit au milieu de coulées basaltiques, nous l’a prouvé. Des lambeaux de brouillard se levaient doucement sur la forêt, et le beau paysage ne demandait qu’un peu de soleil pour resplendir encore plus dans toutes les riches couleurs de l’automne.




En revanche, nous n’avons pas entrepris la montée du Mont Gerbier de Jonc. Pourtant, du haut de son sommet culminant à 1 551 mètres, on est censé avoir une superbe vue panoramique sur l’Ardèche et la Haute-Loire. Côté visibilité, c’était fortement compromis…

D’ailleurs, savez-vous ce qui lui donne sa forme conique ? Le Mont Gerbier de Jonc est un « suc », c’est ainsi qu’on appelle certaines formations volcaniques datant de 7 ou 8 millions d’années, dont la lave était tellement épaisse qu’elle n’a pas eu le temps de s’écouler ; elle s’est entassée et a ainsi créé cette forme particulière de sommet.
Nous avons donc fait nos adieux aux vaches et moutons et sommes repartis… direction estuaire de la Loire !


