Si je vous dis qu’à Saint-Nazaire vous pouvez voir un beau dolmen flanqué d’un menhir, ne cherchez pas une lande battue par les vents. Non, le dolmen se trouve quasiment en centre ville, à quelques dizaines de mètres du port et de la base sous-marine, à peine plus de l’hyper-centre… un emplacement étonnant pour ce genre de monument !
Or il se trouve là où il a été érigé il y a environ 6 000 ans, pendant la période du néolithique. Pour les archéologues, ce dolmen est sans doute tout ce qui reste d’une ancienne allée couverte monumentale, certainement visible de loin depuis les terres et depuis l’estuaire de la Loire qui était alors tout proche.

L’ensemble est constitué en roche granitique. On ne sait pas si les pierres proviennent du littoral de Saint-Nazaire, comme c’est le cas pour le Tumulus de Dissignac.
Le monument tel qu’on le découvre aujourd’hui reste imposant (pour une description détaillée, voir la fiche Wikipédia). Le dolmen dit « des trois pierres » est constitué de deux dalles-piliers hautes d’environ 1,90 m, et d’une épaisse dalle de couverture dont le poids est estimé à plus de sept tonnes. Le menhir était trouvé couché à proximité et fut remis debout en 1928. Sa hauteur est de 4 mètres (dont 3,30 m hors sol) et il porte quelques impacts de bombes de la Seconde Guerre mondiale. D’autres entailles seraient peut-être des traces de « sculpture » préhistorique qui indiqueraient que c’est là un menhir-statue.

Je ne suis pas archéologue et me garde bien de spéculer sur telle ou telle signification. Ce que je trouve intéressant, c’est la façon dont le monument a été considéré depuis le milieu du 19e siècle, lorsque la ville de Saint-Nazaire a pris autour de lui l’essor que l’on connaît (vous trouverez quelques extraits d’ouvrages de l’époque à la fin de l’article). L’étude scientifique de la préhistoire était alors à ses débuts, et pour le commun des mortels les monuments mégalithiques étaient nimbés de mystères. Qui les avait ériges ? Les Gaulois ? Les Celtes ? Servaient-ils à des sacrifices, peut-être même humains ? Ces croyances populaires se retrouvent d’ailleurs dans les noms de certaines rues dans le quartier du dolmen : rue Gauloise, rue des Celtes, ou encore rue de l’Autel des Druides.
On en sait plus de nos jours, notamment sur l’âge du dolmen (bien antérieur aux Gaulois et même plus vieux que les pyramides d’Egypte !) mais il garde encore bien des secrets. S’il n’y a pas trace de sacrifices, il paraît que des offrandes furent déposées au dolmen, encore au 17e siècle, par le prieur de Saint-Nazaire : une cruche de vin et du pain, chaque nuit de Noël. Est-ce bien catholique… ?

En tout cas le square du Dolmen, à l’ombre de ses chênes verts, constitue un site bien agréable, accessible en permanence (voir son emplacement). Une fois sur place, profitez-en aussi pour vous promener dans les rues du quartier ; la variété architecturale des constructions constitue un véritable raccourci de l’histoire nazairienne, depuis la fin du 19e siècle aux premières années du 21e.



Le dolmen a été classé Monument historique en 1889, tout comme le Tumulus de Dissignac à la périphérie ouest de la ville, autre très beau monument mégalithique. Selon la situation sanitaire, Saint-Nazaire Renversante organise des visites guidées des deux monuments, renseignements ici.

Le tumulus est un monument tout à fait remarquable, avec deux chambres funéraires dont l’une présente une dalle gravée.
« La jeune ville a monté jusqu’à lui, mais dans sa marche elle a respecté ce vieux géant »
> L’ouvrage d’un certain Paulin Caperon, Saint-Nazaire et son avenir (1865), dresse le tableau d’une ville moderne qui sort tout juste de terre. Caperon se félicite qu’à Saint-Nazaire, contrairement à tant de villes françaises, on ne trouve pas de ruines antiques et autres « constructions d’un autre âge » qui selon lui ont souvent « arrêté bien des progrès ». Non, à Saint-Nazaire « le champ est libre, tout ouvert aux grandes conceptions d’une ville moderne, exclusivement consacrée au commerce maritime et à l’industrie. A part quelques vieux dolmens, perdus ça et là dans les champs, on n’aura rien à détruire, rien à regretter… ». La notion du patrimoine (et de sa protection) n’avait pas encore fait son chemin !
(Fac-similé publié par la Ville de Saint-Nazaire en 1999)
> D’autres auteurs ont su reconnaître l’importance du monument. En 1882, le géographe et cartographe V.A. Malte-Brun écrit La Loire-Inférieure, histoire, géographie, statistique, administration. Dans le chapitre consacré à Saint-Nazaire, il constate sobrement que la « nouvelle ville (…) s’élève, chaque jour, autour des nouveaux bassins et des docks. Elle n’a encore d’autre monument remarquable qu’un dolmen, le plus entier, le plus considérable, le plus curieux du département ».
(Réédition aux Editions du Bastion, 1988)
> Un an après, dans son Extrait de l’Inventaire des Mégalithes de Loire-Inférieure, Pitre de L’Isle a des accents poétiques pour raconter comment la ville a rattrapé le dolmen. « Il y a quelques années, il fallait, pour visiter ce dolmen, prendre à travers champs dans la direction du nord-ouest, et à 1 kilomètre de l’église, dans une pièce de terre dépendant de la métairie du Bois Savary, on apercevait sa masse grandiose dominant un épais fourré d’ajoncs. Maintenant, sans avoir changé de place, il se trouve au milieu d’un square bordé de trottoirs, à la rencontre de plusieurs rues nouvellement tracées du nouveau Saint-Nazaire ». L’auteur se félicite que « la jeune ville a monté jusqu’à lui, mais dans sa marche elle a respecté ce vieux géant et c’est là un acte singulièrement intelligent » ; et il espère qu’ « en voyant les rues s’écarter pour faire place à ces simples blocs de pierre, les paysans comprendront peut-être quelle mystérieuse valeur s’attache à ces souvenirs du passé ».
(Vu sur Gallica, le site de la BNF).

J’ignorais la présence de ce monument dans Saint-Nazaire alors que je suis sans doute déjà passé tout près !
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Eh oui, à Saint-Nazaire il y a toujours une surprise quelque part 😉
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Trop chouette! Je suis passée devant très souvent sans même prendre le temps de me renseigner sur le pourquoi du comment, erreur réparée 😉
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