« Saint-Nazaire construit des géants ». Est-ce que vous vous souvenez de ce slogan du début des années 2000 ? Les Chantiers de l’Atlantique construisaient le Queen Mary 2, à l’époque le plus grand paquebot du monde, et des ateliers Airbus sortaient les immenses tronçons de l’A380… A mon avis, le slogan est plus que jamais d’actualité, mais il concerne aujourd’hui les nouveaux géants de Saint-Nazaire : les éoliennes en mer.
De grandes entreprises nazairiennes, dont le chantier naval, se sont engagées dans la transition énergétique et travaillent notamment sur les EMR (énergies marines renouvelables). Au large des côtes, sur le banc de Guérande, le premier parc éolien en mer français est ainsi en cours de construction pour une mise en service fin 2022. Installées sur une zone de 78 km², entre 12 et 20 km du littoral, 80 éoliennes fourniront 480 megawatts, couvrant environ 20 % des besoins en électricité de la Loire-Atlantique.
Vues spectaculaires dans le port de Saint-Nazaire

Au moment où j’écris cet article, en octobre 2021, les éoliennes se trouvent encore à l’état de pièces détachées (gigantesques), dans le port de Saint-Nazaire. Les pales, les sections des mâts et les nacelles sont stockées sur une vaste zone entre la forme-écluse Joubert et les Chantiers de l’Atlantique. Vous les verrez très bien depuis la terrasse panoramique de l’écluse fortifiée ou en longeant la zone de stockage, le « hub logistique », entouré d’un grand grillage blanc.
Profitez-en : à partir du printemps 2022 tous ces éléments seront acheminés, les uns après les autres, sur le chantier au large du Croisic (voir la mise à jour en fin d’article).



Sur la photo ci-dessus on distingue un autre genre de géant. Non, je ne parle pas du paquebot mais de la structure bleue en forme de voile. Il s’agit de Solid Sail, une voile rigide en composite de plus de 1 000 m². Développées par les Chantiers de l’Atlantique, de telles voiles pourraient à l’avenir équiper de grands paquebots pour en améliorer l’efficacité énergétique et diminuer l’impact sur l’environnement. Vous l’avez compris, à Saint-Nazaire l’innovation n’est pas un vain mot ! C’est vrai aussi pour un prototype d’éolienne flottante, Floatgen, qui a été développé à Saint-Nazaire et qui est testé, avec des résultats très prometteurs, au large du Croisic depuis trois ans.
Et voici une photo ajoutée mi-novembre 2021, environ deux semaines après la mise en ligne de l’article : l’assemblage test de quelques mâts des futures éoliennes se voit de loin !

Des géants prennent la mer
Les nacelles, qui comportent chacune une génératrice pour la production de l’électricité, sont construites tout près, dans une usine de General Electrics à Montoir-de-Bretagne. Ce n’est pas la seule entreprise locale qui travaille pour le parc éolien : Gémessy, qui fait partie du groupe Eiffage et qui est installé sur le port de Saint-Nazaire, réalise les « e-stacks » ou modules de puissance. Ce sont des blocs électroniques longs de 20 m qui seront installés dans la partie inférieure des mâts et qui permettront de convertir l’électricité produite par les nacelles afin de la faire parvenir à la sous-station, gigantesque transformateur. Cette sous-station, élément central du champ éolien offshore, est également « made in Saint-Nazaire » puisqu’elle a été construite aux Chantiers de l’Atlantique. Voici la sous-station au mois d’août 2021, dans la forme-écluse Joubert, prête à rejoindre le chantier au large.

Quelques jours avant la sous-station, c’est sa fondation, gigantesque structure métallique jaune, qui prenait d’abord la mer, direction le chantier du parc éolien. Cette structure, appelée « jacket », haute de près de 60 m pour un poids d’environ 1 200 tonnes, avait été construite en Italie et acheminée à Saint-Nazaire. Son départ sur une barge était extrêmement spectaculaire.

Un cargo pour les pales
Comme les tours, fabriquées en Espagne et au Portugal et livrées en trois sections, les pales des éoliennes arrivent à Saint-Nazaire par la mer. Elles sortent d’une usine General Electrics à Castellon, près de Valence en Espagne.
Le Vestvind, un cargo long de 130 m et spécialisé dans les colis lourds, fait les rotations entre Castellon et Saint-Nazaire pour transporter les pales. On le voit régulièrement dans le port, accosté au quai de la Prise d’eau où deux énormes grues mobiles, hautes d’une cinquantaine de mètres et capables de soulever jusqu’à 200 tonnes, ont été spécialement installées pour les manœuvres portuaires autour des éléments d’éoliennes. D’un diamètre de 3 mètres à la base, ces longues pales (73,50 mètres !) sont fines et souples à leur extrémité ce qui rend les manipulations très délicates.





Pendant la durée de construction du chantier éolien en mer, l’activité éolienne à Saint-Nazaire se traduit aussi par d’autres éléments, moins spectaculaires mais bien visibles dans le port : notamment la base vie face au bassin de Saint-Nazaire et différents bateaux de travail et d’assistance, qui font la liaison avec le chantier offshore.



Une fois le champ éolien opérationnel, une base d’exploitation et de maintenance, installée à La Turballe, prendra la relève.
Au cœur du hub logistique
Récemment j’ai eu l’énorme chance de pouvoir visiter le hub logistique dans le cadre d’une visite du Grand Port Maritime, comme elles sont proposées régulièrement par Saint-Nazaire Renversante. Celle-ci, organisée dans le cadre des Journées régionales de la visite d’entreprise, était tout à fait particulière : les portes du hub logistique se sont ouvertes aux visiteurs. Impressionnant de se trouver si près de ces éléments presque monstrueux !


Les tours et les nacelles sont non seulement stockées, elles sont aussi équipées et testées et reçoivent un traitement anti-corrosion. Au fait, la zone grise autour du « museau » des nacelles correspond à un revêtement particulier, antidérapant, pour faciliter le travail des techniciens qui auraient à intervenir sur l’éolienne. Ils seront quand même à une centaine de mètres au-dessus de l’eau !
Voici quelques impressions glanées pendant cette visite du hub logistique. Les photos étaient autorisées… et je me suis régalée !
Pour tout savoir sur le projet du champ éolien offshore et suivre le chantier dans toutes ses dimensions (techniques, environnementales, économiques…), allez sur le site web dédié au Parc éolien en mer de Saint-Nazaire. Et pour connaître l’énergie éolienne de façon ludique et interactive, direction l’écluse fortifiée où se trouve EOL, le premier lieu de visite en France sur la thématique de l’éolien en mer.
Mise(s) à jour
Septembre 2022. – Le hub logistique est désormais vide : depuis quelques jours, les 80 éoliennes du premier parc éolien français en mer sont toutes assemblées et installées. Entre avril et fin août, nuit et jour, le navire de pose d’éoliennes Vole au Vent a effectué 20 rotations pour transporter à chaque fois quatre éoliennes (en « kit » : un mât, une nacelle et trois pales) depuis le port de Saint-Nazaire vers le site d’implantation. Au large des côtes, sur le banc de Guérande, les éoliennes sont installées entre environ 12 et 30 km du littoral. Le raccordement est en cours, la mise en service des 80 éoliennes est prévue d’ici fin 2022.



Février 2023. – Le parc éolien fonctionne progressivement depuis novembre 2022. En janvier 2023, la production d’électricité (plus de 180 000 MW) correspondait à « la consommation électrique de près de 850 000 personnes« , d’après le site Parc éolien en mer de Saint-Nazaire. Les éoliennes se voient depuis la côte, ce qui a déjà déclenché quelques polémiques. Voici quelques aperçus ; l’impression visuelle n’est jamais la même selon l’endroit où l’on se trouve et aussi la météo.



Je voudrais terminer cet article avec un clin d’œil aux « anciens géants », cités au tout début. Fleuron industriel, l’A380 a finalement été un échec commercial, et le Queen Mary 2 a été détrôné par des mastodontes (nettement moins élégants toutefois). Mais ils ont fait la fierté de toute une région, et leur rencontre – survol du QM2 par l’A380 lors de la manifestation « The Bridge » en juin 2017 – a été un moment d’émotion pour beaucoup de spectateurs…

Un documentaire très intéressant servi par de belles images.
Merci beaucoup pour ce beau partage 😉
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Merci beaucoup, Cédric, votre commentaire me touche beaucoup. Je ne prétends pas faire de documentaire, j’en suis loin, mais j’essaye d’être aussi précise que possible, et aussi de rendre le côté visuel de ce dont je parle, sans être photographe pour autant (contrairement à vous, superbes galeries !).
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