Des savants ayant ouvert une tombe royale et enlevé une momie sont frappés d’un mal mystérieux, les uns après les autres. La malédiction des pharaons ? Presque, à la différence près que là il s’agit d’une expédition en Amérique du Sud et d’une momie inca, qui s’appelle… Si vous connaissez son nom* c’est que vous êtes lecteur de Tintin et vous savez qu’il s’agit de l’album Les 7 boules de cristal. Et cette histoire a un lien direct avec Saint-Nazaire. D’où la présence de Tintin à Saint-Nazaire, sur six vignettes géantes tirées de cet album !
En effet, dans Les 7 boules de cristal, Tintin, Milou et le capitaine Haddock se retrouvent à Saint-Nazaire. Leur ami, le professeur Tournesol, a été enlevé et la voiture des ravisseurs a été retrouvée près de Saint-Nazaire. Il n’en faut pas plus pour que le capitaine, châtelain de Moulinsart au début de l’histoire, se hâte de troquer sa veste de tweed contre son bon vieux pull marin et qu’il saute dans sa voiture, une décapotable Lincoln Zéphyr jaune, avec Tintin et Milou. Direction Saint-Nazaire ! « Et pensez donc, s’exclame le capitaine devant un Tintin médusé, Saint-Nazaire, le port, les quais, l’océan, le vent du large, les embruns qui vous fouettent le visage… ». Arrivés à Saint-Nazaire, ils arpenteront le port à la recherche de leur ami. C’est l’épisode qui a été recréé à Saint-Nazaire, par l’association de tintinophiles Les Sept Soleils, sur les lieux mêmes où se déroule l’histoire. Venez, on va faire le tour du circuit qui passe – évidemment – par le port.
*Le nom de la momie est Rascar Capac.

© Tintinimaginatio s.a.
Petite info pratique : vous verrez l’emplacement des vignettes dans ce dépliant édité par Les sept Soleils et distribué notamment par l’Office de Tourisme de Saint-Nazaire. Vous y trouverez aussi des explications sur l’histoire transatlantique de Saint-Nazaire.
En route !
Ce panneau avec la voiture jaune marque le début du circuit Tintin à Saint-Nazaire. Il est installé juste avant le pont de la gare qui enjambe la voie ferrée, l’entrée principale de Saint-Nazaire de nos jours.

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L’arrivée à Saint-Nazaire
Mais à l’époque où Hergé, l’inventeur de Tintin et génial dessinateur, situe l’histoire, les voyageurs en automobile arrivaient par le quartier de Penhoët. La vignette qui montre l’arrivée de nos héros à Saint-Nazaire est donc installée rue de Trignac, la principale voie d’entrée dans la ville jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

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Car Tintin à Saint-Nazaire, c’est aussi un voyage dans le temps. L’histoire des 7 boules de cristal paraît dans les pages de l’hebdomadaire Tintin en 1946, l’album sera publié en 1948. Or la ville au port transatlantique qui vivait au rythme des paquebots et des cargos, n’existait plus. La construction de la base sous-marine allemande en 1941/42, à l’endroit même des installations de la « Transat », avait fait de Saint-Nazaire une cible privilégiée pour les alliés. Sous leurs bombardements la ville fut détruite à plus de 85 %. Si Hergé avait voulu dessiner le port tel qu’il se présentait en 1946, il aurait été obligé de représenter un vaste champs de ruines… dominé par la base sous-marine, intacte.
Toujours soucieux de se documenter aussi précisément que possible, Hergé a dessiné la ville « d’avant ». Et cela fait le double intérêt de ce parcours pour nous aujourd’hui : c’est plaisant de suivre Tintin et ses amis sur les grands panneaux émaillés, et c’est émouvant de les voir évoluer dans un environnement portuaire qui a disparu à tout jamais.
Autour du port
Sur le panneau à proximité des bassins, sur le Quai oblique, Tintin et Haddock sont quelque peu désemparés, ils n’ont pas trouvé de piste à suivre…

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… jusqu’au déclic à la vue d’un paquebot transatlantique : et si le professeur était à bord de ce navire qui va bientôt appareiller pour l’Amérique du Sud ? Logiquement, les deux panneaux qui racontent cette scène sont installés dans la base sous-marine, à l’endroit même où, jusque dans les années 1920 et 30, accostaient les paquebots pour l’Amérique Centrale, le long du quai de la Compagnie Générale Transatlantique.

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Retour sur les quais, cette fois-ci en bordure du bassin de Saint-Nazaire : le capitaine Haddock s’est endormi sur un ballot de chargement et se trouve en fâcheuse position !

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Cap au large !
Une table d’orientation, dont la forme évoque une élégante carène recourbée, se dresse près du Vieux Môle, face à l’embouchure de la Loire et au large. Elle complète, prolonge et ouvre le parcours au-delà des mers : les autres ports réels des aventures de Tintin y figurent, de Marseille à Akureyri en passant par Ostende, Djibouti… avec la distance en milles marins qui les séparent de Saint-Nazaire. Mais on ne serait pas chez Tintin s’il n’y avait pas aussi deux lieux fictifs. A vous de les repérer quand vous serez sur place !

Les Sept Soleils
Mais qui a eu l’idée de faire ainsi revenir Tintin et ses amis à Saint-Nazaire, et de permettre à tous de marcher dans leurs pas ? Il s’agit d’un Nazairien, tintinophile depuis qu’il a eu son premier album de Tintin entre les mains, devenu tintinologue un peu plus tard, journaliste aussi – comme un certain jeune reporter à la houpette – et fondateur de l’association Les Sept Soleils : j’ai nommé Jean-Claude Chemin.

Avec son association il a tout mis en œuvre pour créer le parcours Tintin, réunissant des partenaires publics et privés autour de son projet et sollicitant avant tout l’accord de la Fondation Moulinsart (récemment devenue Tintinimaginatio s.a.) qui gère les droits liés à l’œuvre d’Hergé, décédé en 1983. Dans un long article, dont je vous recommande la lecture pour comprendre cette belle aventure et le contexte historique nazairien, Jean-Claude Chemin raconte comment il a obtenu le feu vert de Fanny Rémi, lors d’une première entrevue en 1987. La veuve d’Hergé a eu cette jolie phrase : « C’est une idée qui aurait plu à mon mari ». Pourrait-on rêver plus bel adoubement ? Depuis ce premier contact, Fanny Rémi et son second mari, Nick Rodwell, sont venus à Saint-Nazaire à chaque grande étape du projet.
Les six panneaux ont été installés entre 1995 et 2004. Ils sont réalisés en métal émaillé, une finition qui rend parfaitement les couleurs et la fameuse ligne claire des dessins. Leur surface va d’environ 15 m² à plus de 140 m². En 2011, la table d’orientation s’est ajoutée aux vignettes géantes. L’association des Sept Soleils a su faire de chaque nouvelle inauguration une vraie fête. Une fois c’est la Fanfare de Moulinsart (si, si !) qui donne l’aubade, une autre fois c’est Jean-Pierre Talbot, Tintin dans deux films au début des années 1960, qui fait le déplacement à Saint-Nazaire…

A l’actif des Sept Soleils également de grandes expositions autour de Tintin dont une a été reprise, entre autres, au Musée National de la Marine à Paris et en 2007 à Ostende, pour le centenaire de la naissance d’Hergé. Et la construction, par des étudiants de BTS construction navale de Saint-Nazaire, du mini sous-marin du Professeur Tournesol ; celui-ci est désormais visible au musée Hergé, à Louvain-la-Neuve, en Belgique. Et l’organisation du procès du Général Alcazar avec de vrais avocats dans un vrai tribunal d’Assises (à Nantes). Et la parution de livres. Et des conférences…
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Bref, Tintin n’a pas fini d’inspirer ses amis. De 7 à 77 ans… ou plus, si affinités !
Tintin et les marins d’aujourd’hui. – Pour compléter la présence de Tintin à Saint-Nazaire, je vous signale aussi cette vitrine, rue du Port : vous y verrez le capitaine Haddock en pleines retrouvailles avec un ami, le capitaine Chester, sous les yeux ébahis de Tintin. C’est la vitrine du Seafarers’ Center, aussi appelé Seamen’s Club, un lieu d’accueil pour les marins en escale sur les terminaux de Saint-Nazaire, Montoir, Donges. Associer Tintin à ce lieu de rencontre est une idée qui colle parfaitement avec le milieu des marins, comme l’explique Jean-Claude Chemin : « autant les autres jalons, visuels et table d’orientation, renvoient au passé transatlantique de Saint-Nazaire, autant celui-ci fait le lien entre l’univers de Tintin et le contemporain puisqu’il décore un lieu où se retrouvent aujourd’hui les marins, à l’instar du capitaine Haddock et de son homologue Chester ».

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